La récolte des sapins de Noël ralentie par la pluie: “C’est le goulag!”
Les pluies diluviennes rendent le travail des ouvriers chargés de récolter et de conditionner les sapins de Noël quasi inhumain. Témoignage de l’administrateur délégué de Greencap à Transinne (Libin).
Gérald De Wouters, administrateur délégué de la société Greencap qui produit et commerciale des sapins de Noël à Transinne (Libin), ne tarit pas d’éloges pour les ouvriers de la société et les saisonniers qui travaillent dans des conditions dantesques pour couper, débarder et mettre en filet les sapins de Noël qui se trouvent dans des parcelles détrempées d’où les tracteurs les plus puissants de 400 chevaux ne parviennent pas à sortir. Pourtant, il faut y aller parce que les commandes des jardineries et grandes surfaces sont là et il faut les honorer. Enquête.
M. De Wauters, quelle est la situation sur le terrain ?
Pénible. Depuis le 20 octobre, les 180 travailleurs (25 travailleurs salariés, 50 autres qui travaillent une partie de l’année et ensuite les saisonniers) arrivent à 7 h 30 sur le terrain et 5 minutes plus tard, ils sont déjà rincés à cause de la pluie et de la neige.
La terre qui est transformée en boue colle aux chaussures lestant chaque pied de 3 kilos de terre !
Des sapins 40% plus lourds à cause de la pluie
Vous êtes une société très mécanisée. Les hommes peuvent-ils compter sur les machines pour les aider ?
Non. Les parcelles sur lesquelles sont cultivés les sapins sont parfois accidentées ou difficilement accessibles ; cela glisse. Même les machines les plus puissantes ne peuvent pas s’y déplacer.
Ensuite, les sapins de 2 mètres qui pèsent normalement 20 kg, font entre 45 et 50 kg à cause de l’eau.
Les hommes doivent les transporter à la main, puis les apprêter avant de les placer dans un filet et de les hisser sur les remorques ! Tout est fait manuellement. C’est dantesque et je ne les remercierai jamais assez, tellement ce qu’ils font est dantesque. C’est le goulag, là-bas, hein. Dans notre métier, le facteur humain est primordial.
Du coup, cela doit ralentir fortement les cadences de production ?
Et comment ! Sans compter qu’un quart de nos travailleurs épuisés et au bout du rouleau, ne viennent plus au boulot. Déjà que ce n’est pas évident de trouver des saisonniers, impossible de les remplacer au pied-levé, d’autant plus que quand il s’agit de saisonniers, il faut les former pendant au moins un ou deux jours ! Et quand ils voient les conditions de travail…
Certains saisonniers ont préféré travailler dans le bâtiment en Allemagne où ils sont au sec et mieux payés que de revenir ici.
Les rendements sont catastrophiques, on est à – 30 à -40% de sapins récoltés.
Un de nos hommes qui a quarante ans de métier m’a dit qu’il n’avait jamais connu de telles conditions de travail !
9 000 sapins de Noël récoltés un jour au lieu des 20 000 habituels !
Cela se traduit comment en chiffres ?
Les 180 travailleurs qui sortent habituellement de 18 000 à 20 000 sapins par jour en sont actuellement à 11 000 sapins. On est même descendu un jour à 9 000 sapins récoltés !
Le 6 novembre, on était déjà en retard dans les livraisons. Or, on ne peut pas rattraper ce temps perdu.
Tous nos clients, de la grande distribution ou des jardineries, ont déjà arrêté leurs promos et ces promos, c’est déjà ce week-end des 2 et 3 décembre ! Il leur faut donc la marchandise dans les magasins. Donc les rendements de récoltes ne suivant pas, c’est compliqué.
Et puis, comme les sapins sont plus lourds, on en met 300 au lieu de 500 sur une remorque !
Est-ce un problème que seuls les producteurs belges de sapins connaissent ?
Non, c’est généralisé à toute l’Europe et si les clients décident de ne plus travailler avec nous parce qu’ils n’auraient pas reçu les commandes désirées et qu’ils se tournent vers un autre producteur ici ou ailleurs en Europe, ils auront le même problème.
Malgré tout cela, on essaye de contenter du monde, mais il y aura des sapins de Noël pour tout le monde. Et comme ils sont gonflés d’eau, ils seront même encore plus frais.